En route pour la Puna, les hauts plateaux, par la quebrada (vallée) de Humahuaca, patrimoine mondial de l'humanité « paysage et culture » de l'UNESCO.
Une étape de transition d'abord où nous changeons une nouvelle fois de province pour rejoindre Jujuy. Les rencontres de cyclistes au long cours ont toujours un caractère soudain. Là, c'est alors que nous filons dans la jolie végétation sub-tropicale de la descente d'un petit col entre Salta et Jujuy que surgit, dans un virage, une sorte d'Antoine qui serait descendu de son bâteau. Freinages. Robert est un Allemand de 63 ans qui a commencé les voyages à vélo à la retraite, il y a 8 ans. Nous l'interrogeons sur le drapeau qui orne sa remorque mono-roue - seule concession notoire à la modernité - et ressemble à celui du Tibet : République libre de Roberto, nous répond-il ! Il trimballe une voile qui s'installe sur sa remorque on ne sait bien comment. Il a un crochet débrayable pour se faire tirer par des voitures. Et tout dans son équipement est bricolage ! Un personnage.
A Jujuy, après nous être goinfrés de fraises, nous attaquons la lente remontée du rio Grande : 180 km et 2400 m de dénivellée. La route est bonne et le vent nous sera en général très favorable. La première étape nous voit déjà gagner 1000 m et nous avons 100 km au compteur à la tombée de la nuit. Les incroyables couleurs de Purmamarca, ce sera pour le petit matin. C'est un festival que les photos ne rendent que très imparfaitement. Nous flânons dans cette vallée parsemée de formations rocheuses étonnantes, et aussi de souvenirs historiques : poste de Hornillos, ancien relais de messagerie de l'époque espagnole ; pukara de Tilcara, ancien village fortifié d'époque pré-inca et inca, et musée archéologique.
A Humahuaca, nous rencontrons Julien, un Auvergnat musicien venu passer un an dans une association de quartier, et qui s’est finalement installé. Il joue le soir, et est serveur à midi, après différents autres boulots. Il m'entraine – Laurent dort ! - dans son groupe d'amis pour des soirées dont je me sauve à 4 h et 3 h du mat. Une fête dans le village voisin de Rodero : nous abandonnons le vélo pour 40' à l'arrière d'un pick-up. Culte de la Pacha mama, la terre mère, mêlé à la religion catholique dans toutes ces contrées. Haut en couleurs ! Nous avons négligé que nous sommes à 3000m d'altitude et que, si les journées sont chaudes, il ne faut pas avoir oublié sa petite laine pour le coucher du soleil. Retour précipité dans le même pick-up.
Jeu de piste le lendemain pour trouver des gravures rupestres (pas très anciennes : 950 à 1500 ap JC) après un déjeuner dans une communauté « aborigène » qui pratique le tourisme rural. Nous sommes heureux d’être à l’abri pendant la première et courte pluie depuis notre départ. Encore des paysages spectaculaires pour rejoindre Tres cruces, une ville fantôme dont la plupart des maisons sont abandonnées, et les rues désertées. Pas d'hôtel ouvert. La police ne nous offre pas le gîte mais bénit l'installation de notre tente sur la place centrale. Pas de restaurant ouvert. Laurent tremble pour la sécurité de nos biens et décide de cuire la purée à la tente. Je suggère de nous faire inviter par des voisins et c'est armés de nos provisions que nous sommes accueillis à une table chaleureuse. Beaucoup d'Argentins, comme cette famille, ne mangent pas le soir, se contentant d'un maté(ou café?)-tartines (le maté est une sorte de thé, véritable boisson culte nationale). Nous arrivons tout de même à leur faire goûter un peu de la soupe et de la purée que nous avons en excés, et laissons quelques biscuits. Un moment chaleureux dans cet endroit glauque.
3780 m : nous battons notre record d'altitude dès le départ du matin. Nous sommes maintenant installés pour plusieurs semaines au-dessus de 3000 m. A Abra Pampa, la frontière n'est plus qu'à 70 km de route asphaltée. Mais nous bifurquons vers la laguna de Pozuelos, un lac d'altitude peuplé de flamands roses et classé monument national : 130 km de piste donc ! Campement en bordure de la lagune, qu'il a fallu aller chercher par une trace indiquée par des voisins. Pas d'engorgement touristique là ! Laurent tente de surprendre les flamands roses alors que le soleil se lève dans notre dos. Puis ce sont les lamas dont les têtes curieuses dépassent des touffes de végétation qui surveillent notre avancée. Des vigognes traversent la piste à la vitesse de gazelles. Nous attaquons le dernier tronçon vers la ville frontière de la Quiaca lorsque, patatras, ma remorque laboure la piste : j'ose à peine me retourner car je sais que c'est grave. Un axe de roue s'est brisé. Nous avons à peine le temps de porter ma remorque handicapée sur le bas-côté qu'un pick up arrive. Vélo et remorque sur la plateforme arrière. Cycliste désemparé à l'intérieur. Est-ce la mort naturelle de ma remorque ? Elle n'était pas vraiment prévue pour cet effort. Laurent n'est pas loin d'avoir des mots durs pour ma pauvre remorque. Il n'y avait cependant pas de meilleur moment pour un petit tour en voiture. La piste est mauvaise ; elle ne cesse de monter et descendre ; et le paysage déplumé n'est pas excitant. Laurent avalera tout. Mais à l'arrivée, coup de Trafalgar, sa remorque qui, depuis le départ, présentait différentes bizarreries mécaniques et une tendance à l'affaissement qui ne manquait pas de l'inquiéter, révèle une soudure cassée. On nous indique un tourneur qui pourrait me fabriquer un axe de roue et c'est à 22 h qu'il nous reçoit avec nos 2 remorques. La livraison des engins remis en état est fixée le lendemain à la même heure. Il n'a pas eu le temps de me faire un axe de réserve : espérons que le deuxième tienne mieux que le premier. Ni de faire le contreventement que souhaitait Laurent pour sa remorque... Mais nos remorques sont opérationnelles !
Plus rien ne peut plus nous arrêter. Avec 1000 km au compteur (plus pour Laurent qui excursionne à vélo les jours de repos), nous tournons une première page. A nous deux la Bolivie ! Direction le salar d’Uyuni.
Photos sur : http://picasaweb.google.com/Benicano/QuebradaDeHumahuaca#
1 commentaire:
salut Benoît !
je suis de loin en loin tes nouvelles aventures : merci pour les photos !
Je vois que les analyses Rdm du matériel ont été un peu légères...
amuse toi bien !
etienne
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