jeudi 18 décembre 2008

Sajama - 6542 m


Le temps semble avoir changé pour de bon alors que je me dirige vers Sajama, un Chamonix en miniature situé à plus de 4200 m d'altitude : non seulement il a bien plu la nuit, mais le bus traverse des averses. Ennuyeux pour les projets d'alpinisme que nous espérions réaliser avant l'arrivée de la saison des pluies en décembre. De très loin (150 - 200 km), le Sajama, point culminant de Bolivie, domine le paysage à la manière d'un Fuji Yama. Et il n'a pas l'air particulièrement commode, défendu de tous côtés par des falaises surmontées de glaciers. Le Parinacota, qui apparaît derrière, est plus civilisé. C'est notre premier objectif. Il culmine tout de même à 6340 m, ce qui représentera notre record d'altitude à Laurent - que je retrouve au village de Sajama, de retour d'une "chasse à la vigogne", après ses 4 jours de vélo que j'ai shuntés en passant par Oruro - et à moi.

Pas besoin de guide pour ce sommet "randonnée" où il faut tout de même un bon équipement contre le froid (nous louons des chaussures d'alpinisme, et des bâtons de marche pour aider dans le terrain meuble).
Les locaux ont toujours un truc pour essayer de vous piquer votre argent dans ce genre de projet. Ici, c'est près de 80 € pour nous mener en jeep au départ à 25 km de là, à 4800 m d'altitude, peu sous le campement. Un tarif déraisonnable pour un pays où on voyage pour un Euro aux 100 km en bus. Nous optons donc pour une formule biathlon : vélo + marche. Compte tenu des cendres volcaniques abondantes au pied de la montagne, c'est tout de même un exercice exigeant que nous nous imposons (merci à Laurent qui me prête sa remorque ; je me serais englué avec la mienne) : au moins aurons-nous fait "l'intégrale". Temps tourmenté ; l'orage nous frôle. Décor lunaire purement minéral. Nuit sur la lune à 5000 m. Lever à 1h45'. Laurent arrive à dénicher la trace. Le jour se lève. L'allure se ralentit sévèrement avec l'altitude : il reste 300 m à grimper à mon alti et je soufflète à 100m/heure : ça va encore faire long ! Mais petit miracle comme en accorde parfois l'altimètre : le rebord du cratère apparaît soudain et nous y sommes ! Petite promenade sur la lèvre du cratère pour bénéficier du panorama circulaire, Chili compris. Puis redescente droit dans la pente dans la cendre : sport de glisse. Nous sommes vite revenus au camp, mais pas encore aux vélos, ni au village de Sajama.

Journée de repos (bien méritée dit-on dans ces cas-là) avec séance relaxation dans les piscines naturelles d'eau chaude peu éloignées du village (8 km : vive le vélo !), au pied du Sajama, notre objectif suivant que le temps revenu au beau nous permet d'envisager. Journée passée à trouver et négocier matériel (piolet, crampons et baudrier en plus du matos "Parinocota") et surtout guide. Nous optons pour Reynaldo, recommandé par des voyageurs marcheurs français (40 km par jour), Marc et Ludo, croisés par Laurent, que je vais dénicher dans sa fermette à 4 km du village (vive le vélo !). Nous ferons aussi équipe avec Pav, un Anglo-indien, qui cherche à partager la logistique (et les frais ! 80 € de guide et 11 de porteur) de l'ascension. Le camp de base est à 4800 m, trop bas pour servir de tremplin vers le sommet à 6542 m en un jour ; et le camp d'altitude à 5600 m, un peu haut pour être atteint en une journée d'approche. Nous optons tout de même pour une formule en 2 jours avec nuit au camp d'altitude, moyennant l'aide d'une mule jusqu'au camp de base, puis d'un porteur jusqu'au camp d'altitude. Mais au matin, la mule et le porteur ne sont pas là ! Reynaldo nous trouve tout de même un porteur qui, moyennant une petite rallonge, accepte de faire la mule avec nous jusqu'au camp de base : 40 kg à se répartir à 4, c'est tout de même 10 kg de plus que prévu , chacun, sur les épaules pour les 3 premières heures de marche !

Avant le coucher du soleil, nous avons monté la tente, cuit et avalé le dîner, et nous glissons dans le duvet. Lever prévu à minuit. Le ciel est clair, tout se présente bien. Reynaldo n'imprime pas un rythme effréné. Ses pauses régulières nous réfrigèrent plus qu'elles ne nous reposent. Encordement dans un passage à la fois plus vertical et de mauvaise qualité (vive les casques de vélo !). Il fait nuit et nous ne voyons heureusement pas où un faux pas nous entraînerait ! Nous devinons bientôt des pénitents blancs, ces folles formes de glace sculptées par le vent, sur notre droite. Nous venons buter sur eux. Tout aurait pu s'arrêter là, au moment d'enfiler les crampons, et de constater que les miens ne tiennent pas à la chaussure un seul pas. Mais Reynaldo pensent qu'ils iront sur les siennes, et, à nous deux, nous avons par chance le tournevis et la pince permettant de tenter l'adaptation et faire l'échange. Il fait quasiment clair quand nous repartons pour affronter le labyrinthe de pénitents. Reynaldo ouvre des brèches dans les voiles de glace verticaux. Très lentement nous montons et dévions vers une zone moins scultpée. Puis c'est une marche sur glacier plus classique, avec quelques assurages au passage de crevasses. Et nous sommes heureux de déboucher au sommet qui nous masquait le soleil depuis plus de 2 heures. Un sommet en bol où nous pourrions tenir à 4000, mais nous sommes 4 ! 6542 m ! Juste 420 m sous l'Aconcagua, le plus haut sommet des Andes. La pression atmosphérique n'est plus que de 450 mbar contre les habituels 1013 au niveau de la mer.

Le reste de la journée se passe à redescendre. Ayant pris mon vélo pour les 4 premiers kilomètres depuis le village, je m'autorise un saut aux eaux chaudes pour laver la fatigue (et pallier l'absence de douche à notre hôtel !) de cette longue journée.

J'apprends, à mon tour, qu'une capture de vigogne a lieu au même endroit où Laurent avait "chassé" il y a quelques jours. La fourrure de vigogne est extrêmement fine et se vendrait entre 300 et 700 dollars US le kg. Motivant ! Mais la vigogne est protégée et sa capture ne peut se faire que sous contrôle des autorités du parc national. Un filet est tendu en entonnoir sur peut-être 1 ou 2 km. Les villageois sont convoqués pour rabattre les bêtes dans ce piège (les produits de la vente sont partagés entre tous les membres de la communauté). Ils sont près de 200 au rendez-vous, déjà en train de refermer le piège quand je rejoins le filet après 20 km de vélo. Objectif affiché : 60 bêtes. Ils diront en avoir encerclées 30. J'en ai bien vues 15 quand les bêtes se sont approchées pour la première fois du fond du piège. Et finalement 6, dont un petit qui ne sera pas tondu, à la fin de la capture. Ca palabre sec sur les raisons de cet échec qui n'est que la répétition de celui de la capture à laquelle a participé Laurent.

Pendant ce temps, Laurent est parti à la frontière chilienne voisine (mais ça monte tout de même !) de Tambo Quemado pour tenter de changer des Pesos argentins en Bolivianos, car nous n'avons pas de quoi payer le guide et la location du matériel. Et le premier distributeur automatique, à la Paz, est à 5 heures de bus ! Encore quelques Bolivianos arrachés à des Français en échange d'un chèque. Et nous réglons nos dettes. Nous en échangeons même contre quelques Pesos chiliens, car c'est notre destination suivante et nous allons y arriver sans le sou, et le premier distributeur automatique...

Une dernière fête avant de quitter Sajama. La fête de fin d'année scolaire dont la plus surprenant partie, et la seule que nous ayons vue, est la fête des bacheliers. Ils sont 4 cette année. Chacun a une table décorée, si ce n'est un stand, dans un des coins de la salle des fêtes de Sajama, le seul édifice moderne. Ils sont sapés ; les familles sont là. Parfois, au mur, une grande décoration qu'on croirait plutôt destinée à un baptême avec le nom du récipiendaire et "mon baccalauréat, promotion 2008". Mais tout commence dehors. Dans des voitures se vendent des cadeaux. Quelques assiettes en plastique artistiquement empilées et emballées par exemple. Il s'agit d'entrer avec un cadeau pour chaque heureux bachelier. Il couvre alors le donateur de confettis et des boissons lui sont offertes. Des grands mères font des allers et retours pour rapporter à la maison, dans des ponchos sur leur dos, les monceaux de cadeaux qui arrivent (que peut-on faire de toute cette vaisselle disparate quand on vient d'avoir son bac ?!!). Malheureusement, nous n'avons pas encore renfloué nos finances le soir de cette fête et nous limitons à un malheureux cadeau, contraire à toutes les règles... L'alcool coule à flot, et depuis un moment. Les bacheliers sont sérieusement éméchés à force de trinquer. La musique est de cette race électronique indéfinissable qu'on trouve dans différents coins du monde (en Indonésie, on appellerait cela du dangdut) et qui semble se répéter indéfiniment. Deux des bacheliers ont prévu les gâteaux. Ils ont été livrés de la Paz et sont du type réglementaire bolivien dont on se demande si ce sont des vrais ou du plastique, exposés sur des pyramides. Mais l'heure de la distribution est venue, puis celle de s'esquiver... (pas de photos pour cette fête où nous n'avons pas voulu trop jouer les voyeurs)

photos sur : http://picasaweb.google.com/Benicano/Sajama#
bpol@voila.fr

1 commentaire:

annickbruno a dit…

bravo pour la réussite de ces beaux sommets. nous poursuivons notre route sur la carretera australe, peut être y verrons nous Laurent. Bonne année
Annick et Bruno
www.roulmaloute.com