lundi 3 novembre 2008

les vallées Calchaquies


Embarquement dans le pick up de Rodrigo samedi matin. Des cadres, des roues, des remorques, des bagages de partout. Nous sautons ainsi 40 km de route sans intérêt pour nous pointer au pied de la première difficulté du parcours. Une montée de 1700m de dénivelée jusqu'à Tafi del Valle ! Solide, comme premier test ! Premier arrêt après 100 m de plat : ce n'est pas possible, j'ai l'impression d'être englué dans le sol ! On regonfle les roues de la remorque. Dès les premières pentes, tout à gauche, et je ne bougerai pas beaucoup du plus petit braquet. Horacio pousse la remorque. Je monte à vitesse de tortue : on n'est pas sortis de ces 40 premiers kilomètres ! Puis Horacio casse son dérailleur et redescend chercher le pick up. A mi-parcours j'y verse tous mes bagages mais mets un point d'honneur à traîner ma charrette jusqu'en haut. Laurent ne s'est délesté que d'un sac mais je n'arrive toujours pas à le suivre : ça promet ! Nous finissons dans la maisonnette de vacances de Monica qui a pédalé avec nous (tout comme Rodrigo). Nous sommes passés de la moiteur quasi tropicale de la vallée, avec sa végétation exubérante, à des alpages puis un paysage minéral. Deux copines de Monica, splendides, nous rejoignent. Je ne peux m'empêcher de demander à Horacio s'il est bien normal que toutes leurs copines, y compris cyclistes, donnent l'impression de sortir du concours de miss monde. Il me renvoie à la devise de Saragosse, je crois, qui, dans une version adaptée, deviendrait : ce que la nature ne donne pas, le silicone le prête. Toujours est-il que la soirée en si agréable compagnie, en musique et avec 3.5 kg de viande (pour 7) se termine à une heure incompatible avec un départ matinal.

1200 m de dénivellée pour cette seconde étape avec un passage de col à plus de 3000, et plus d'assistant... Il m'a fallu la veille prendre des décisions. J'ai désossé ma remorque, enlevant tous les montants verticaux, qui donnent forme à un habitable mais ne me sont pas strictement nécessaires, ainsi que les « pare-chocs » latéraux. Un arbitrage supplémentaire dans mes affaires (le délestage du rasoir devrait se voir sous peu sur les photos !) – Laurent abandonne aussi quelques affaires – et c'est un sac marin de près de 10 kg et un paquet de de barres de fer que nous confions à Horacio. L'effet est (heureusement !) immédiat et, avec Laurent, nous arrivons à faire l'essentiel de la montée ensemble. Tous les jours, le col se couvre dans l'après-midi et nous filons vite côté soleil. La route est cahotante et je tremble pour l'attache de ma remorque dont l'efficacité n'est pas encore avérée. 66 km/h au compteur : ça a l'air de tenir. Laurent me déclare : « finalement, ta remorque, elle pourra peut-être passer la Bolivie ». Emotion. Les cactus dispersés sur des pentes douces, une très légère brume... C'est un moment de bonheur vélocipédique comme sensoriel. Nous croisons 2 Suisses en vélo couché : ils viennent d'Alaska, partis depuis 16 mois (www.panamerica.ch) ! Nous ne sommes que des débutants amateurs ! 30 kg de bagages sur leurs vélos de 20 kgs, et ils ont traversé la Bolivie... Ce serait donc possible ?! Ils nous conseillent un arrêt à un hôtel tenu par un Allemand un peu plus bas. En fait, Julian est aussi, par sa mère, arrière-petit fils de Paul Claudel ! Embarqué par ses parents sur un voilier à l'âge de 10 ans, il a bouclé son premier tour du monde en 7 ans ! Puis il a continué à arpenter la planète en quête de sens pendant des années avant de ressentir des forces spéciales dans ce coin de terre où il s'est arrêté, a commencé à construire, dans un style personnel tout en rondeur et éclairage zénital, ce qui est devenu un hôtel, et s'est marié avec une fille du coin dont il a une petite fille... Un personnage, un philosophe (tendance soufisme)... Il nous fait la chambre au prix routard et nous partageons la table familiale au dîner (www.uno.travel).

La troisième étape s'annonce plus tranquille avec a fin de la descente et surtout du plat. Mais le vent contraire se lève en fin de journée et c'est un combat que mène Laurent (je ne peux pas relayer) pour rallier Cafayate. Nous avons visité, sous le soleil brûlant, les ruines de Quilmes, empreintes du souvenir des persécutions menées par les Espagnols à l'encontre des populations indigènes. Et négocié un plat de midi dans un petit centre de vente d'artisanat en bas des ruines. Nous terminons le combat contre le vent au camping à l'entrée de Cafayate, petite ville touristique à grande réputation vinicole. Première occasion d'utiliser le matériel de camping que nous tractons. Dîner en ville, en terrasse. A deux pas de là, nous rencontrons, au petit-déjeuner, deux Français, Annick et Bruno, qui font le même circuit dans le sens contraire . Ils ont donc traversé la Bolivie : ce serait donc possible ?! (www.roulmaloute.com)

Nous ne prenons pas le temps de visiter grand chose à Cafayate et filons vers le nord. 30 km faciles puis commence la piste : c'est parti pour plus de 150 km sans bitume ! Un petit vent dans le dos, un grand rio à longer mais un sol très gravillonneux, sans rendement. La moyenne plonge. Nous trouvons un abri du soleil pour une pause-sieste. Nous demandons de l'eau à la seule âme aperçue dans ce désert. Il nous parle de la tour Eiffel, de Pise, et de l'Argentine, fier de sa plus longue avenue du monde, et de la plus large, et de la plus longue route du monde, la RN 40 (genre 5000 km), celle-là même qui passe devant chez lui et que nous empruntons pour un moment. Dans la chapelle, Laurent continuera la conversation sur l'avenir de la planète, les bio-carburants... Incidemment, nous réalisons que nos montres ne sont pas à l'heure ! Contrairement à la province de Tucuman, la province de Salta, dans laquelle nous sommes entrés la veille, ne passe pas à l'heure d'été ! 2 heures ont ainsi cours un peu aléatoirement en Argentine ! Elle nous en fait voir sa RN 40, aussi roulante qu'un chemin agricole. D'ailleurs nous faisons un temps la course avec un tracteur. Ma remorque, avec ses 2 roues qui ne sont pas dans l'axe du vélo, constitue un attelage beaucoup moins performant en piste que celui de Laurent. Je dois en permanence rechercher un passage pour 3 axes au lieu d'un. Mais les paysages sont magnifiques. Nous traversons des formations rocheuses fantasmagoriques.

Je négocie un demi-étape avec Laurent pour le jour suivant : non, 85 km de bataille avec la piste, je ne sens pas que cela puisse constituer un plaisir jusqu'au bout. La piste se fait plus roulante, le vent dans le dos... Nous sommes arrivés pour le déjeuner. Des admirateurs qui nous ont doublés en voiture nous interviewent.

Pour la première fois nous parvenons à nous lever à l'aube pour l'étape de Cachi. Pour une fois, point de litres d'eau à engloutir pendant les 2 premières heures. Des tisserands jalonnent le bord de notre route. De magnifiques maisons traditionnelles de torchis. Peu avant Cachi, je convaincs Laurent de faire un détour pour rechercher des ruines pré-colombiennes. 4 km de montée sous le cagnard pour apprendre à l'hôtel (la Paya) situé au bout qu'elles sont en bas ! Au moins, mangeons là ! Mais le resto est fermé à midi ! Une orangeade et un plouf dans la piscine, alors ?! Et Virginia, la fille du patron nous fait finalement cuisiner une sorte de ravioles très fins. Puis visiter l'hôtel, la chapelle, le potager qui est l'autre versant de l'exploitation. L'hôtel est hors de nos standards habituels mais nous sommes sous le charme et décidons de rester bien qu'encore à 12 km de Cachi et avec la perspective de devoir faire 25 km A/R pour aller y visiter un musée : cher payé ! Heureusement, Diego, un gros éleveur de Corrientes (700 vaches), en tenue traditionnelle (file moi tes bottes !) arrive avec 3 femmes (Angeles, Celina qui parle français, et Gladis) qui doivent entreprendre une randonnée de 5 jours le lendemain. Outre une joyeuse compagnie, c'est une sortie au musée archéologique de Cachi de gagnée. Puis nous redescendons visiter les ruines pré-colombiennes, guidés par Virginia.

Le retour sur le goudron apporte le soulagement. Mais un col, 1200 m plus haut, nous fait face. Et le prochain hébergement est à près de 100 km, derrière l'obstacle. Le vent se lève avant la recta de Tin-Tin (11 km de ligne droite), sur le plateau de cactus. Terrible, nous sommes scotchés sur place. La route redevient piste. Un encaissement, un grand plateau. Nous allons chercher de l'eau à une source indiquée mais tas d'animaux nous y ont précédés. Allons-nous devoir demander de l'eau aux voitures, camper..? Un arrêt pour nous habiller car il se met à faire froid sous le nuage de foehn. Petit miracle alors que nous repartons : le vent est presque complétement tombé. Nous sortons notre col à 3400 m d'altitude (tout de même !) dans le brouillard. La descente sur la piste est un régal. Les lacets se déroulent en dessous de nous à la mode alpine. La pente n'est pas trop forte et les kilomètres défilent à vive allure. Nous trouvons une petite guinguette, qui n'a que des empanadas à proposer (nous lui ferons cuisiner une purée en poudre que nous transportons), en face de laquelle nous plantons notre tente – contraste avec le confort voluptueux de l'hôtel que nous nous étions offert la veille ! - près d'un groupe dont nous craignons qu'il ne fasse la fête toute la nuit, comme il est courant en Argentine. Mais Martin nous rassure : ils sont Les base jumpers d'Argentine (6, pas plus !) et prévoient de monter à 7 h pour sauter à 9 h une falaise qui nous domine. Nous voyons les voiles s'ouvrir pendant notre petit-déjeuner. Martin me convainc : avec mon passé parachutiste, quelques sauts d'avion de reprise et je peux aller m'initier à Brento en Italie. C'est décidé, je vais m'y mettre. Nous parlons du Verdon, du Vercors... où il a déjà sauté.

La descente vers la plaine de Salta se poursuit à vive allure. Après la glace énorme du goûter – la dynamique vendeuse nous fait la promotion de produits régénérants, anti-oxydants... dont elle nous offre des échantillons et des prospectus ! - Laurent tire des braquets énormes. Moyenne de la journée : 23 km/h : près du double d'une journée habituelle de piste... Ca y est, nous avons bouclé la traversée des vallées Calchaquies, premier objectif de notre « épopée ». 550 km au compteur (8 jours) et tant de décors fantastiques dans les yeux...

Yannick et Bruno nous avaient indiqué l'adresse de la « maison du cycliste » à Salta, une famille qui reçoit volontiers les voyageurs à vélo et dont l'adresse se transmet sur la route au fil des rencontres. Ramon après nous avoir éconduits faute de place (un couple est attendu pour le lendemain) nous course pour nous proposer des matelas au sol, que nous acceptons. Des vélos partout, un totem de vieilles pièces usagées, des remorques... Outre son propre matériel, Ramon garde celui d'Européens qui ont interrompu ici leur voyage, sont retournés quelques mois travailler au pays avant de repartir d'ici. Le livre d'or est truffé de récits, de photos, de relevés d'itinéraires tous plus improbables les uns que les autres. Une porte ouverte sur une multitude d'aventures. Le dîner se limite à une boisson chaude accompagnée de gâteau et de pain maison (à garnir de l'incontournable « dulce de leche », une crème au goût un peu caramel. Mais nous n'avons déjà plus faim.
Le lendemain arrivent Nancy et Randy, la cinquantaine. Ils sont américains, partis il y a 2 ans et demi d'Alaska. 21000 km au compteur !!! Ils ont dû interrompre 4 mois leur voyage suite à une maladie pulmonaire contractée en faisant de l'humanitaire au Guatemala. Ils en ont profité pour vendre la voiture, la maison, et stocker leurs cartons dans le garage d'une soeur. Ils comptent arriver au bout du continent avant l'hiver (austral = mars) (www.hobobiker.com).

Visite de Salta, son musée archéologique de montagne qui nous transporte dans le monde inca. Orgie de viande à la Lenita, restaurant jumeau de celui de Tucuman tenu par le beau-frère d'Horacio (cf Tucuman) et pour lequel Rodrigo nous a écrit une recommandation. Le patron nous offre presque la moitié de la note ! Nous allons dépenser le pécule dans un bar où musique et danse folkorique battent leur plein.

Mais un nouveau départ se profile déjà, celui de la longue montée(quelques centaines de kilomètres) vers l'altiplano bolivien.

Photos : http://picasaweb.google.com/Benicano/LesVallEsCalchaquies#
et http://picasaweb.google.com/Benicano/VallEsCalchaquiesSuite#

1 commentaire:

annickbruno a dit…

contents de voir que les remorques tiennent le coup et les jambes aussi. Nous allons arriver à Mendoza, après un parcours magnifique sur des pistes désertes. bonne continuation, hasta luego