vendredi 6 février 2009

de l'Argentine (Salta) au Chili (San Pedro de Atacama) par le paso de Sico


Au moment de repartir, après la pause de fin d'année, sans Laurent, qui fait la carretera austral (extrême sud Chili)de son côté (ses récits sur raidnature46.free.fr), je mesure tout ce qu'il a apporté à la virée que nous avons faite en commun : son étude des parcours, découpage des étapes, l'abri qu'il m'a toujours procuré dans le vent, les provisions et souvent la cuisine, le mini-ordinateur pour gérer les photos... Merci Laurent de m'avoir initié au voyage à vélo ! Et maintenant, il faut que je me débrouille tout seul !

Alors que je quitte Salta dans la verdure, je me demande un peu pourquoi je repars vers les hautes altitudes où, d'ici quelques heures, la végétation sera si rare. Les arbres, les oiseaux, l'herbe : tout m'est enchantement ! Mon objectif du mois à venir est une boucle : traversée des Andes vers l'ouest, par le paso (col) de Sico, pour rejoindre San Pedro de Atacama, au Chili, avant de retraverser vers l'est par le paso de Jama, en faisant un crochet au sud Lipez, en Bolivie.

La première partie de la traversée du paso de Sico suit l'itinéraire du "tren a la nubes" (train des nuages), un train qui traversait les Andes jusqu'au Pacifique (au Chili) et qui n'est plus exploité touristiquement que sur une partie de son tracé argentin. D'ailleurs, parti à 15h de Salta, je passe la nuit 1000 m plus haut sur le quai d'une gare de ce train. Puis une journée entière à grimper consciencieusement dans une belle vallée : 1700 m de dénivellée, sans arriver à passer le premier col. Abra blanca, à 4080 m, ce sera pour le matin du 3ème jour. Après une courte descente, j'arrive à midi au pied d'Abra el Acay, donné, sur ma carte, pour le plus haut col d'Amérique du sud, à 4895 m. L'occasion, après avoir dételé mon carrito (remorque) d'aller épingler un record (et que c'est bon d'excursionner léger, sans bagages !). 48 heures après ce nouveau départ, me voici 3800 m plus haut (en ayant grimpé 4000 m) ! Pas mort, papi ! Mais l'asphalte, c'est désormais fini, et c'est parti pour 280 km de pistes (plus les 60 d'Abra el Acay) : je suis maso : j'avais décrété que la piste, ce n'était plus possible avec mon carrito ! A San Antonio de los Cobres, je m'offre une grasse matinée (méritée après les dénivellées engrangées) : résultat impossible de rejoindre l'étape suivante après 750 m d'ascension de col pour franchir l'Alto Chorrillo (4560 m). Car la traversée des Andes, ce n'est pas un col mais une succession de cols séparés par des vallées longitudinales souvent hôtes d'un salar ou d'un lac (laguna). Je cherche de l'eau auprès d'une maison isolée : c'est la rivière qui est la source d'eau courante. Et on me propose de planter ma tente devant la maison. Des conditions de vie basiques avec une pièce commune chambre / cuisine. Des lamas de compagnie qui s'installent dans cette même pièce. Un poêle "à bois" : il n'y a pas de bois dans les parages, mais des buissons. Mais il marche mieux que mon poêle à pétrole acheté récemment en Bolivie, ce poêle à bois, et il me sauve mon dîner !

Olacapato, atteint le lendemain à midi, fait un bon point de ravitaillement, même si ce n'est pas forcément l'endroit où l'on aimerait passer sa vie. De là, et pendant 24 heures, je ne verrai pas un seul véhicule sur la piste ! Celle de l'après-midi n'est pas roulante et le vent, jusqu'ici clément, vient freiner de 3/4 face. C'est du vélo de combat. Je n'arriverai pas à finir l'étape non plus ce jour : camping ce soir encore, dans un décaissement abrité du vent, bien que le poste frontière argentin ne semble plus loin : je crois l'avoir aperçu. Mon réchaud ne daigne pas démarrer. Et après différentes tentatives, il ne reste plus que 2 options : manger froid ou reprendre la route. A 21.00, tout bagage remballé, je remonte sur le vélo dans la nuit. Objectif : une lumière devant, qui indique une présence humaine (et une gazinière !). La lune se lève un quart d'heure plus tard, facilitant le choix de la trace sur la piste. La lumière disparait, instillant le doute, pour réapparaître une heure plus tard, le mouvement de terrain franchi. Et à 22.30 passées, les douaniers sont un peu surpris de voir débarquer un fantôme ! Une kitchenette vers les casernements des jeunes carabiniers affectés à ce fort du désert des tartares, un bout de carrelage pour poser l'autogonflant : une bonne soirée et une bonne nuit assurées !

Le paso de Sico lui-même ne ressemble pas à un col, mais grand faux plat décoré de panneaux frontaliers. Et c'est le col suivant, à 4415 m, 600 m plus haut que la douane argentine, qui est l'effort de la journée. De belles couleurs, un vent clément, un réchaud qui marche miraculeusement à midi (il marche toujours mieux à midi !), et c'est une avancée agréable. Une petite descente, et apparaît le poste de douane chilien au milieu d'une courte montée. Mais le vent de face s'est levé et la montée est raide. Une bagatelle sans vent et sans bagages, cette côte devient un obstacle féroce. Je suis quasi planté. Les douaniers chiliens viennent à ma rencontre en pick up et me proposent de me monter au poste de douane. On dira peut-être que je n'ai pas fait le paso de Sico entier, mais j'obtempère à l'autorité publique ! En une minute me voici à la douane : miraculeux ! Formalités. Puis un douanier me propose un bout de viande, reste d'un asado de la veille. Enorme ! Je n'en veux que la moitié. Mais ce que je ne prends pas ira à la poubelle. Argument majeur : je prends tout ! On remonte en voiture pour 2-3 km et me voici déposé au col, au départ de quelques km de descente vers un campement minier où les cyclistes ont l'habitude d'être accueillis. Tout est gratuit : le matelas dans le bungalow pour la nuit, et le dîner et le petit-déjeuner ! Merci à la société minière pour le coucher et la douche, et à Sodexo pour la restauration (excellente : qualité française !). Le gardien, d'une société sous-traitante, touche le pourboire pour le coucher ; le cuisinier pour les repas. Et voilà une jolie petite organisation !

Beaux spectacles de la lagune Tuyaito et du salar de aguas calientes le lendemain. Et goinfrage d'asado toute la journée ! Insuffisant toutefois pour consommer le morceau en un jour comme me le conseillaient les douaniers et le cuistot Sodexo... Le réchaud qui marche à midi, toujours. Et dans l'après-midi, un miracle : en ce 13 janvier, et pour la première fois depuis que nous sommes partis, 3 mois plus tôt, un avion passe dans le ciel ! Plus loin, grosse circulation automobile vers une petite route qui monte : je suis visiblement arrivé quelque part ! J'aurais eu du mal à finir l'étape vers la localité suivante et je ne peux râter cette première attraction dans l'orbite de San Pedro de Atacama, la lagune Miscanti, et sa voisine, Miniques. Je m'arrête donc pour un bivouac au carrefour. Arrive une voiture que j'avais renseignée dans l'après-midi et qui me demande si je ne veux pas être transporté quelque part : je pourrais être le soir même à San Pedro de Atacama, mais ce n'est pas mon genre ! Je demande une bouteille d'eau pour le bivouac. Et c'est repas froid, cette fois : on n'est pas à midi ! (en fait, c'est la pompe qui met en pression le pétrole, qui ne fonctionne pas. On peut penser qu'à midi, sous l'effet de la chaleur, la bouteille se met en pression toute seule...) Mais, avec l'asado des douaniers, ça régale tout de même ! Et, victoire ! J'arrive au bout de mon monceau de viande !

350 m et 7 km à grimper au petit matin pour arriver le premier, avant tous les tours, à la lagune. Je sais qu'il y a un refuge là-haut et ai pris mon thé pour me l'y chauffer puisque mon réchaud... Le chauffeur d'un "tour" m'offre du pain. Plus tard, un autre m'invitera au déjeuner de midi ! Ce n'est pas mal les tours ! Descente vers le désert d'Atacama dans l'après-midi. A Socaire, retrouvailles avec l'asphalte : toujours un moment d'émotion où l'on fait son retour au monde. Plongée dans le gris et la chaleur. Que de la pierraille : une ambiance bizarre ! Dans ce monde plombé, quelques traces de blanc des salars, et quelques oasis, refuges de la vie. A Toconao, nichée derrière le village, la quebrada de Jere est un petit paradis d'oasis. Une vallée verdoyante, fermée par un petit canyon, regorgeant d'arbres fruitiers et de plantations. Je loue un de ces petits jardins qui sera mon camping privé pour 2 nuits au paradis. Il y a du bois mort pour se faire un peu de feu (et des restos en ville !): pas de problème de réchaud !

Une journée de visite à la laguna Chaxa, à 25 km, pour voir un des visages du désert d'Atacama, celui du sel (pas lisse comme à Uyuni mais terriblement "inflorescent" (?)), de l'eau, et des flamands roses. Et puis les derniers kilomètres pour San Pedro. Au passage, la route d'accés au projet ALMA : 60 télescopes qui doivent être installés sur un plateau à plus de 5000 m d'altitude. Ca y est, la paso de Sico est définitivement franchi au bout de 9 jours (dont 2 de visites et autres diversions) !


photos sur : http://picasaweb.google.com/Benicano/PasoDeSicoBenoit#

bpol@voila.fr

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